Bienvenue en psychiatrie

Bienvenue en psychiatrie

L'entraide, un avenir?

AFREPSHA ,GAP :  « la psychiatrie, un à venir un peu flou ».

L'entraide, un avenir ? Jeudi 21 mars 2013

 

 Bonjour à tous.

Je m'appelle Edith.

J'ai un point commun avec vous tous : je suis un être humain.

Par ailleurs, je suis présidente du GEM passe muraille de GAP.

 

Certains entendront dans GEM le verbe aimer à la première personne du singulier…

G. E. M. sont les initiales de Groupe d'Entraide Mutuelle, associations loi 1901, créé en 2005 à partir de la loi sur l'Egalité des Droits et des Chances reconnaissant le handicap psychique. Les GEM existent au niveau national (il y a environ 350 GEM).

 

Je vais vous raconter au travers de mon expérience personnelle et des paroles d'adhérents du GEM de Gap et de Manosque  ce qu'est et ce que représente l'entraide :

J'ai fait la connaissance des soins en psychiatrie il y a 13 ans à Paris, en passant par la case « chambre d'isolement » sans explication,  avec une montagne de pilules à avaler sinon piqûre.

Lorsque je me suis réveillée, tout était flou, je me sentais extrêmement mal, je pensais être morte et être au « purgatoire »

Mais non, en dépit de mes croyances, je me trouvais  toujours sur terre …en vie !

Je l'ai compris quand une personne en blouse blanche m'a dit que j'allais voir ma famille.

 

Il faut savoir que les médicaments utilisés en psychiatrie me rendaient les sensations étranges, avec un corps complètement au ralenti et un esprit qui s'acharnait à vouloir comprendre la situation.

 

La souffrance psychique n'est pas abstraite. Elle se vit corps et esprit. Tout est contaminé. La douleur physique et la douleur morale sont  parfois fulgurantes lors de crises  d'angoisses donnant souvent l'impression majeure d'une mort imminente.

J'étais à la dérive dans le monde bizarre de la folie et des soins en psychiatrie.

Ma raison aurait pu basculer définitivement  dans ses délires intimement liés à des circonstances exceptionnelles, que je ne développerai pas ici.

 

Pourtant j'ai été comme retenue par un phénomène qui se manifeste  particulièrement dans des situations de gravité extrême comme par exemple une guerre.

Ce phénomène s'appelle la solidarité, l'entraide, ici entre les patients, car la relation avec les soignants se fait difficilement dans la confiance quand la première hospitalisation est faite sous contrainte et dans le déni : « on va vous mettre au vert » avait dit le psychiatre des urgences à St Anne…

Le mensonge, si facile, si pratique est-il thérapeutique ? Je vous dis que NON, il sape pendant des mois, des années le travail de soins ultérieurs. Ce n'est pas une valeur de l'entraide !

C'est mettre un barreau dans les rouages de la conscience fragile du patient, c'est le mettre en péril durablement.

 

Mais voilà, autour d'une Ricoré offerte par un patient, un espace de parole simple s'ouvre, une amarre à l'humanité se déploie.

N'être plus seul dans des pensées confuses, des émotions négatives intenses, retrouver la douceur que l'on trouve dans une main humaine qui se tend.

Retrouver le sens du partage en ouvrant un paquet de biscuits le matin, à l'aurore lorsque les plus tendus comme moi, sont déjà réveillés malgré les tranquillisants.

 

Petit à petit revenir au concret, réveiller l'envie de vivre en reprenant le goût de l'autre.

 

Dans ces circonstances, l'entraide dans les relations humaines est comme une graine qui germe arrosée par les larmes de l'extrême détresse.

Sa croissance est rapide sous la puissance de la force de vie que chacun porte en soi.

Alors le désir de vivre,  de s'en sortir s'est enraciné dans mon cœur.

L'avenir est redevenu possible.

A ce moment, le présent n'est plus qu'un moment fugace ou il s'agit de saisir avec l'autre l'inaccessible étoile du bonheur dans un sourire, un éclat de rire.

 

La conscience, dans ces moments de fragilité  extrême, passe comme dans un alambic pour extraire sa quintessence.

 

Face aux délires qui se multiplient pour rendre la perception de la réalité supportable, il y a cette tasse de Ricoré et les petits biscuits…le regard de l'autre, ses paroles, les miennes…il y a la force de vie d'une humanité qui simplement s'entraide.

Alors devient possible l'acceptation des soins sous contrainte parce que je ne suis pas qu'une chose qu'il faut faire rentrer dans une boite « diagnostic-traitements ».  Il y a Je, il y a Tu, il y a Vous…alors Nous existe.

 

Se donner une nouvelle chance, sortir de l'impasse, accepter d'être aidée par des inconnus.

 

« Nous » est une force incroyable qui peut ramener celui qui s'est égaré dans les terres de la folie, vers un présent et un avenir « envisageables ».

 

C'est en 2009, lors d'une nouvelle hospitalisation sous contrainte (HDT), cette fois-ci en province à Laragne, alors que j'étais au plus mal avec le sentiment d'un grand désastre de ma vie que j'ai vu sur le panneau d'affichage un dépliant parlant d'une association à Gap, le GEM passe muraille, développant l'entraide, la solidarité entre personnes en souffrance psychique et en grand isolement.

 

Dans un monde fou perverti par le pouvoir de l'argent, il y avait là un îlot de valeurs positives et constructives.

 Dans ma grande détresse, désespérément vivante envers et contre tout, je n'ai pu faire qu'un seul projet d'avenir : aller là-bas… au GEM.

 

Alors que j'avais demandé au psychiatre qui me suivait à l'hôpital, combien de temps j'allais rester ici au CHS, il m'avait répondu quelques jours, quelques mois, quelques années…

La perspective de rester là pour une longue durée m'a terrifiée.

Le temps s'écoule au ralenti en CHS, perfusant son poison de l'ennui qui ravive les idées les plus noires.

L'activité principale est marcher,  seul soulagement à la souffrance psychique dans ce lieu, en rêvant comme une « terre promise », à ce GEM.

Puis de nouveau le regard des patients, des sourires, une cigarette offerte, une veste donnée, des feuilles et des feutres pour dessiner…et le présent redevient supportable.

 

La bienveillance est une denrée rare dans notre société. Alors quand elle est là, c'est un met à apprécier.

 

 

Je regrette que dans les soins en psychiatrie, elle soit si peu développée. Parler, expliquer ce qui se passe est reconnu d'une grande utilité pour les enfants depuis Françoise DOLTO…mais pas pour les adultes en psychiatrie.

 C'est dommage et dommageable. J'espère que mon témoignage encouragera les soignants en psychiatrie dans cette bienveillance humaine qui passe par la parole principalement auprès des nouveaux arrivants qui se trouvent dans un environnement auquel ils ne connaissent rien.

 

L'entraide c'est l'humain au secours de l'humain. C'est redonner de la dignité, de la considération aux personnes en souffrance…

 

Puis vint le jour, des mois plus tard où sortie de l'hôpital j'ai enfin eu la force d'aller au GEM pour faire de la mosaïque dans un premier temps.

Oui, le GEM est un lieu particulier où l'on est vraiment accueilli, avec chaleur humaine, dans une société où les relations sont basées majoritairement sur l'argent et le pouvoir. Ça change !

 

Les problèmes de santé,  le manque d'argent, isolent, excluent.  Les gens « standards » ont peur de ceux qui sortent de la norme, qui ont des problèmes. Ils ne leur parlent pas, ne communiquent pas, ils font comme s'ils n'existaient pas…c'est tellement plus commode, moins dérangeant…

Mais cette petite partie de l'humanité délaissée parce que singulière, hors norme, « empêcher de… » parce que handicapé psychiquement, physiquement ou simplement vieillissante, est bel et bien là.

Heureusement  le partage, l'échange redevient possible entre personnes qui ont des expériences similaires.

L'expérience de chacun des moments difficiles permet de mieux comprendre les autres.

Le GEM n'est pas un lieu de soin mais un lieu où l'on prend soin les uns des autres.

Groupe d'Entraide Mutuelle voulant dire que chacun peut aider l'autre ou le groupe.

 

Dans les structures classiques quelques-uns aident les plus démunis, mais c'est à sens unique.

 

Au GEM, dans l'échange, le partage, l'humain  se relève.

 

Aller au GEM, c'est déjà sortir de chez soi, ce qui est devenu difficile pour certains.

C'est retrouver un lieu convivial, un groupe fait de personnes. L'être humain est fait pour vivre en société, c'est dans sa nature. L'isolement nous  fait perdre nos repères.

Pour sortir de cet isolement, l'entraide se fait de manière pratique mais aussi par le relationnel.

Deux animateurs salariés sont à l'écoute et organisent avec les bénévoles une aide pour répondre aux besoins du nouvel arrivant ou des adhérents de plus longue date, comme pour faire ses courses, déménager.

Il y a bien sûr la difficulté de demander, de recevoir de l'aide mais chacun peut et sait faire quelque chose et  donner à l'autre et ainsi avoir une place utile dans le groupe.

Un planning d'activités variées est proposé au mois avec une ouverture le weekend.

 Il devient possible de faire des activités que l'on ne ferait pas seul (ballade dans la nature, sorties en ville, repas en commun, sorties cinéma, théâtre, resto, activités artistiques…).

 

Le GEM aide à retisser des liens positifs avec ses semblables et son environnement. Il permet de s'inscrire dans une dynamique de groupe  porteuse qui améliore les qualités de vie tout en favorisant l'aide à l'autonomie.

 

Dans ce contexte, des valeurs communes différentes de celles des personnes  « standards », vivent et se partagent. C'est sortir de sa « singularité »  trop souvent synonyme de solitude pesante. C'est échanger  des savoirs faire, c'est retisser un lien social et finalement favoriser le développement  humain dans ses qualités d'être.

Ceux qui vont mieux donnent de l'espoir aux autres et la force d'avancer. Ceux qui vont moins bien trouvent un lieu pour se « redresser mentalement »,  « reprendre son souffle » en dehors d'une structure médicale.

 

La solitude arrive vite lorsqu'on baisse les bras, le GEM propose une dynamique qui permet de rompre l'isolement.

Et mieux que cela, il permet de s'investir en tant que bénévole pour animer une activité, devenir membre du conseil d'administration et même membre du bureau.

Le GEM est administré par ses adhérents. Il reçoit des aides techniques de structures  extérieures comme le Centre de santé mentale dans des réunions de travail à thème comme :

-           « comment mieux organiser l'entraide ? »,

-          « comment résoudre les problèmes rencontrés ? »

-           « comment mieux communiquer  entre le bureau et les animateurs ? ».

Il reçoit un soutien de l'UDAF pour veiller au maintien de l'éthique du GEM.

Le GEM  reçoit une subvention annuelle de la part de l'Agence Régionale de Santé (ARS).

Les adhérents du GEM sont en majorité des adultes en situation de handicap psychique, autonomes mais sans emploi (arrêt maladie, pension d'invalidité, AAH…).

L'objectif du GEM est la réinsertion de ces personnes souffrant plus particulièrement d'isolement et d'exclusion sociale en instaurant des liens sociaux réguliers entre semblables et avec le reste de la cité.

 

C'est ainsi, et grâce aux soins psychiatriques de qualité dans le 05, que c'est fait mon chemin depuis cette sordide chambre d'isolement à Paris où j'ai failli perdre définitivement la raison jusqu'à devenir présidente du GEM et prendre la parole devant cette assemblée pour témoigner.

Toutefois  la maladie est toujours là puisque j'ai besoin de médicaments pour avoir une certaine qualité de vie, mais grâce à l'expérience de l'entraide, à présent,  je ne suis plus autant « empêcher de… ».

 

La société individualiste crée des solitudes.

L'esprit d'entraide et de solidarité  tend pourtant  à se développer.

Le GEM est une association parmi d'autres qui s'activent pour rompre le silence entre les personnes.

L'entraide dans un groupe partageant les mêmes  valeurs existe depuis longtemps.

 

Il en va de même pour le groupe d'entraide mutuelle qui réunit des personnes ayant vécu ou vivant des souffrances qu'ils peuvent partager dans le groupe.

 

Ils se sentent écouté entre eux et peuvent se faire entendre simplement. L'Union Nationale des GEM de France peut intervenir sur un plan politique.

 

Aujourd'hui cette minorité singulière peut dire :

 

L'entraide est un besoin durable…et humain.

L'entraide  EST UN AVENIR.

Vous pouvez investir !

VOUS   INVESTIR…

 

 

Merci de votre écoute.

 

 

                                                                             Edith

                                                                             Présidente du GEM passe muraille à GAP

                                                                                  Mars 2013



23/03/2013
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