Bienvenue en psychiatrie

Bienvenue en psychiatrie

Chapitre 1

   

A  ceux qui ont réussi

aux concours de circonstances,

vivants et humains.

 

A tous ceux qui ont échoué,

Comme des bateaux à la dérive…

 

 

Parce que l'homme

 

Est un loup

 

Pour

 

L'homme

 

 

 

 

Il fait nuit noire. A l'heure où des millions de personnes dorment d'un sommeil bien mérité, alors que des milliers de jeunes se déchaînent en musique, la vie de Judith sombre en enfer, un samedi soir sur la terre. Elle a cherché une issue dans le dédale de l'existence mais ce soir là,  sa quête a abouti à une impasse.

 

"Ma dernière heure est venue..." pensa-t-elle. Elle vient juste d'avaler une grosse poignée de pilules, sûrement un cocktail détonant.

 

Le téléphone ne sonnera pas, pour la bonne raison que dans cette petite chambre laide et sordide, cet appareil si familier n'existe pas. Aucune voix chaude et familière ne la retiendra à la vie...

 

La porte est verrouillée, comme la certitude qu'elle n'aura aucun secours.

 

Elle tente une ultime fois de rester lucide, de comprendre, d'analyser ce qui est en train de se produire, comme si sa faculté de penser était sa seule attache à son humanité.

 

"Me voilà véritablement seule face à mon destin. Je suis dans un gouffre de solitude, d'incompréhension et de désespoir. La mort me tend la main depuis longtemps. Je l'ai toujours envoyée se faire voir ailleurs, mais là, elle est vraiment en face de moi...

 

 J'ai terriblement peur. Il fait une chaleur étouffante, je commence à tanguer intérieurement. Vais-je m'évanouir instantanément ou  agoniser lentement ?

 

J'ai tout perdu, ma vie est brisée. Mon mariage est en sang, je suis loin de mes enfants. Ma famille, mes amis m'ont laissé tombée dans l'épreuve.

 

Pourtant je me suis toujours battue, depuis le jour de ma naissance (et peut-être depuis celui de ma conception), pour réaliser mon rêve : être heureuse, aimer la vie, les gens, la nature, l'univers...Je me suis sortie grandie de toutes les galères, de toutes les épreuves en suivant le droit chemin. J'ai appris que la joie pouvait s'acquérir parce qu'elle est une attitude de courage.

 

Mais cette fois-ci, je suis échec et mat. Tous les pions se sont ligués contre moi, les noirs comme les blancs. J'ai été entièrement trahie !

 

Je suffoque. Je ne savais pas que je pouvais aussi perdre la fraîcheur de l'air au mois de mai à Paris dans cette année 2000. La porte fenêtre est fermée, je ne peux l'ouvrir pour accéder à cet élément si précieux.

 

Vais-je succomber à la panique totale, me cabrer et bondir en tous sens comme un animal sauvage pris au piège ?

 

Non, je ne tomberai pas si bas, je garderai le contrôle de mon corps et de mon âme encore une fois. Il me faut juste un peu d'air frais..."

 

Une idée lui vient, comme un murmure intérieur "sur le sol carrelé il doit faire plus frais, sous la porte, un filet d'air doit passer."

 

Judith se couche comme un fœtus accablé...Oui, la fraîcheur arrive dans ses narines, c'est la vie qui vient du dehors qui lui sourit...Elle reprend courage, elle veut garder sa dignité. Elle se  relève en titubant et arrache un drap du lit. Si la mort est au rendez-vous, il lui faut un linceul. Elle s'allonge à nouveau et approche son nez de la rainure sous la porte. Elle est prête à partir dans l'au-delà.

 

Soudain elle réalise comme il est stupide de finir sa vie ainsi...Quel dommage, quel gâchis. Elle aimerait tant avoir encore une chance de réaliser ses rêves. Mais les humains sont inconscients et stupides, ils ont lapidé son âme par leur bêtise. Elle est  une victime innocente, comme un agneau sur l'autel du sacrifice.

 

Mais dans cet agneau bas un cœur de lionne qui ne veut pas s'éteindre et rugit :

"Et merde ! Je ne veux pas mourir ! Entendez-moi là-haut ! Hey ho, Dieu, il faut faire un miracle ! Je veux revoir mes enfants, les accompagner dans le chemin de leur vie !!!"

 

Mais l'agneau est comme dans un navire à fond de cale en pleine tempête, il a la nausée...Il va sombrer...

Putain de somnifères, tranquillisants et compagnies !

 

"Non, non et non ! Je refuse, ce n'est pas mon destin, je ne veux pas crever  avant d'avoir accompli quelque chose de bien. Au moins expliquer pourquoi et comment j'en suis arrivée là...Tout à un sens, mais si mon cœur lâche cette nuit, personne ne comprendra rien à mon histoire... »

 

Mais elle est  fatiguée, épuisée, à bout de force, la rage de vivre la quitté, elle sombre.

 

« Oh Seigneur, Créateur de toute chose, je ne t'ai jamais rien demandé jusqu'à maintenant alors accorde moi juste le privilège de voir le jour demain."

 

Judith arrête de vouloir, elle lâche prise, elle s'abandonne. Comme  un ultime espoir elle murmure le "Notre père" et  perd connaissance.

 

Judith n'a jamais tenté de se suicider d'une quelconque façon que ce soit. Elle aime trop la vie pour ça. Elle n'a pas choisi cette chambre sordide puisque c'est celle d'un hôpital. Elle a été contrainte d'avaler une poignée de pilules inconnues tendue par une femme anonyme qui lui a dit que si elle ne le faisait pas elle aurait droit à une piqûre...C'est cette geôlière qui  a fermé la porte à clé. Pourtant elle l'avait supplié d'avoir un peu d'air...les animaux ont la chance d'être enfermés dans une cage, pas elle. Elle lui a juste dit de penser un endroit qu'elle aimait d'un ton monocorde. Judith a répondu "la montagne". Elle a acquiescé. Il faut vraiment avoir une sacrée imagination pour s'évader ainsi, se déconnecter de la réalité de l'enfermement alors que l'on est innocent. Vraiment personne n'a la tête sur les épaules  et c'est elle que l'on accable toujours et encore. Elle ne sait pas où elle est  tombée, mais pour l'aider, il ne pouvait pas y avoir pire...à moins que ce chemin ne soit celui de l'au-delà…

 

 

"Ca y est, je vois à nouveau...un genre de brume mélangé à un flot de lumière…

 

J'avance lentement. Suis-je morte ?

 

Je distingue au loin une forme humaine en habit blanc...

 

Je me sens si mal, je ne suis certainement pas au paradis ! »

 

Une voix venue de nulle part me dit : "c'est à la demande de votre mari que vous êtes là".

 

Cette phrase me fait l'effet d'une bombe, j'ai envie de hurler mais aucun son ne sort de ma bouche ! Ce que je ressens est atroce... Je comprends, je dois être au "purgatoire", je ne croyais pas qu'il existe, mais je dois y être et pas par l'opération du Saint-Esprit !

 

Je vois des gens qui déambulent le regard dans le vide. Ici il n'y a qu'une chose à faire ici, être mal et marcher.

 

Suis-je là pour l'éternité? Je dois être coupable, mais je ne sais pas de quoi. Peut-être me faut-il trouver Ma Faute pour sortir de cet enfer...J'ai fait confiance toujours, encore, envers et contre tout, j'ai gardé l'espoir, j'ai voulu rester vivante et gaie, authentique, est-ce un pêché ? J'ai aimé et on m'a enfermée pour me tuer, avec la bénédiction de mon mari.

 

Je ne comprends rien, c'est atroce...

 

Personne ne me parle, ne m'aide, je suis là en proie au chaos total.

 

J'entends à nouveau la voix : "votre mari et votre famille vont venir vous voir aujourd'hui".

 

Comment est-ce possible puisque je suis morte ? J'ai l'impression que ma raison explose, je me sens hors de l'espace et du temps dans un nulle part d'absurdité totale.

 

Je suis à la dérive, je ne sais plus à quoi me raccrocher dans cette tornade d'émotions et de pensées.

 

Une idée : il faut croire, avoir la foi. Je vais voir ma famille, ça va m'aider. C'est absurde, mais je tente le coup. J'ai un objectif, un point d'amarre...ça va un peu mieux !

 

En effet, la "foi" fait des miracles, je vois Butch, mon mari, Stella ma cousine et Chaplin son petit ami. Mais ce ne sont peut-être que des mirages, je les vois si flous...

 

Au contact de nos peaux douces et chaudes, je réalise que je ne suis pas morte ! Quelle surprise ! Le miracle s'est accomplit ! Mais alors je retourne au désastre de ma vie...

 

J'ai la haine mais je ne mordrais pas comme un animal enragé, ni en geste, ni en parole... Je veux rester humaine et trouver un sens à ce qui m'arrive.

 

- "Butch, suis-je coupable de quelque chose ? Qu'est ce j'ai fait de mal ?"

 

- "Tu n'as rien fait tu n'es pas coupable, rien ne t'est reproché".

 

Une onde de douceur et de soulagement m'inonde... J'ai réussi à ne pas quitter le droit chemin !

 

Puis soudain une nouvelle explosion intérieure ! Je suis INNOCENTE et on m'enferme et on me drogue !

 

C'est lui ! C'est mon mari qui m'a fait enfermer ! Il a tout fait pour m'anéantir, me tuer ! Et il est là, devant moi, personne n'intervient !

 

J'ai envie d'hurler ma rage mais aucun son ne sort de ma bouche !

 

Je vais devenir folle ! C'est une conspiration ! Ils veulent tous ma peau !

 

Finalement, j'aurais préféré mourir !

 

Oh non ! Je repars à la dérive dans l'enfer du chaos et de la peur.

 

Je dois me maîtriser, penser positif. Stella et Chaplin sont là, je peux compter sur eux. Je me rassure, ça va aller et puis d'abord je connais Butch depuis 17 ans, c'est  quelqu'un de bien. La voix m'a dit des mensonges. Et puis c'est moi qui décide : ces trois êtres humains là font partie des "gentils"! Na !

 

"Ma vie tient à un fil, moi je tiens à mon rêve"...

Croire encore et toujours, envers et contre tout...

 

-"Butch, on l'aura notre maison à nous à la campagne ?"

 

-"Oui, on l'aura".

 

-"Et dit, on ira en vacances ?"

 

-"Oui, on ira".

 

Je vais m'en sortir c'est sûr, comme d'habitude.

 

Mon mari rajoute :

 

- "C'est à toi de te sortir seule de là".

Non ! Encore une fois je suis seule devant l'épreuve...ça ne s'arrêtera donc jamais ! Personne ne m'enlèvera une brindille à mon fardeau !

 

Et bien tant pis ! Tant pis pour ceux qui ne me tendent pas la main, pour ceux qui m'enfoncent. Je ne sombrerai pas, je ne coulerai pas.

 

Je n'ai plus rien à perdre même pas ma vie.

 

Ah oui, je dérange...Et bien ça ne fait que commencer ! Je vais vivre et emmerder le monde !

 

Malraux a raison : "Une vie ne vaut rien mais rien ne vaut une vie".

Ce n'est pas de ma faute, je suis innocente alors c'est les coupables qui vont payer.

 

Ah les bandes de connards, les fils de putes, que je vous aime ! Vous ravivez en moi la rage de vivre et de combattre.

Ils vont payer ! Ils vont tous payer !"

 

Mais comment ? Qui est responsable dans cette histoire qui aboutit à l'hôpital...psychiatrique en HDT (Hospitalisation à la demande d'un Tiers) ?



11/04/2012
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